Pseudo-Nitzschia : la Diatomée qui bouleverse la pêche en Bretagne
Ce week-end de grande marée d'équinoxe, la Bretagne a vu l'interdiction temporaire de la pêche à marée basse en raison d'une menace invisible mais bien réelle : la prolifération de la diatomée Pseudo-Nitzschia. Ce micro-organisme marin, à l'origine d'une toxine dangereuse pour la consommation humaine, soulève des questions cruciales sur l'état de nos écosystèmes marins et les conséquences des activités humaines.
Qu'est-ce que Pseudo-Nitzschia ?
Pseudo-Nitzschia est une diatomée, un type de microalgue unicellulaire présente naturellement dans les eaux marines. Sous certaines conditions, notamment en raison du réchauffement des eaux et de l'enrichissement en nutriments (eutrophisation), elle peut proliférer de manière excessive. Cette diatomée produit une toxine redoutable : l'acide domoïque, responsable d'intoxications alimentaires graves appelées ASP (Amnesic Shellfish Poisoning), qui affectent le système nerveux humain.
Pourquoi la pêche a-t-elle été interdite ?
Les mollusques filtrent l'eau de mer pour se nourrir, accumulant ainsi les toxines produites par Pseudo-Nitzschia. Lorsque les concentrations deviennent trop élevées, la consommation de coquillages contaminés peut entraîner des symptômes graves tels que des troubles gastro-intestinaux, voire des atteintes neurologiques pouvant provoquer des pertes de mémoire.
Par précaution, les autorités sanitaires ont donc décidé d'interdire temporairement la pêche à pied, notamment pour la collecte des coquillages, afin d'éviter tout risque d'intoxication pour la population.
Un phénomène en augmentation ?
Les proliférations de Pseudo-Nitzschia ne sont pas nouvelles, mais leur fréquence et leur intensité semblent en augmentation. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance :
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Le réchauffement climatique, qui modifie les conditions de température et favorise certaines proliférations algales.
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L'eutrophisation, due aux apports excessifs de nutriments (nitrates, phosphates) issus des activités agricoles et industrielles.
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Les changements dans la dynamique océanique, qui influencent la dispersion des microalgues toxiques.
Comment prévenir ces risques ?
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Surveiller les eaux côtières : Les réseaux de surveillance du plancton et de la qualité de l'eau jouent un rôle essentiel dans l'anticipation des risques sanitaires.
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Réduire la pollution des eaux : Diminuer les rejets agricoles et industriels permettrait de limiter l'eutrophisation et les proliférations excessives de microalgues.
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Informer le public : Une meilleure connaissance des phénomènes de toxicité marine peut aider les populations locales à adapter leurs pratiques de pêche et de consommation.
Comment reconnaître les diatomées toxiques ?
L’identification des espèces toxiques de Pseudo-nitzschia repose sur plusieurs critères morphologiques et génétiques. Voici comment elles peuvent être reconnues :
1. Morphologie au microscope optique
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Chaînes en rangées : Les cellules de Pseudo-nitzschia sont souvent disposées en chaînes longues et effilées.
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Valve étroite et allongée : Elles ont une forme fuselée, parfois difficile à différencier des espèces non toxiques sans analyse approfondie.
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Stries fines et densité des bandes : L’espacement entre les stries (bandes sur la frustule) est un critère important. Chez certaines espèces toxiques, il est inférieur à 40 stries par µm.
2. Microscopie électronique à balayage (MEB)
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Structure des raphés : L’arrangement et la densité des raphés (ouvertures servant à la locomotion) varient entre les espèces.
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Présence de poroïdes : De petites ouvertures appelées poroïdes sont visibles au microscope électronique, avec une organisation spécifique aux espèces toxiques.
3. Analyse génétique (PCR & séquençage)
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Les méthodes moléculaires par PCR (Réaction de Polymérase en Chaîne) sont essentielles pour une identification précise.
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Le séquençage des gènes de l’ARN ribosomal (18S et ITS) permet de différencier les espèces toxiques et non toxiques.
4. Tests de toxicité, détection de l'acide domoïque et interdiction
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Même si une espèce est morphologiquement similaire à une non toxique, la production de l'acide domoïque (responsable des intoxications ASP) varie selon les conditions environnementales.
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Des tests biochimiques comme la chromatographie liquide (HPLC) sont utilisés pour mesurer la concentration en toxine.5. Seuil réglementaire en France (et en Europe)
L’interdiction ne dépend pas directement de la concentration en cellules de Pseudo-nitzschia dans l’eau, mais du taux de toxines détectées dans les coquillages.
👉 Seuil de sécurité sanitaire :
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20 mg d’acide domoïque / kg de chair de coquillage (réglementation européenne : Règlement CE n° 853/2004).
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L'interdiction temporaire de la pêche à marée basse en Bretagne nous rappelle que nos écosystèmes marins sont vulnérables aux perturbations environnementales. En comprenant et en préservant ces équilibres fragiles, nous protégeons à la fois notre santé et celle des océans.
On se lasse de tout, sauf d’apprendre…
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