Spiruline (1): la “micro-algue” qui nourrit le monde
On la rencontre souvent sous forme de poudre verte dans les boutiques bio ou sur les étals des marchés, vantée pour ses bienfaits nutritionnels. Mais derrière ce nom mystérieux — spiruline — se cache une histoire bien plus ancienne, presque originelle. Une histoire qui remonte à plus de 3 milliards d’années, lorsque les premières formes de vie colonisaient les eaux chaudes de notre planète (voir l'article "les cyanobactéries, à l'origine de la photosynthèse" sur ce Blog).
Une "algue" pas comme les autres
Contrairement à ce que son nom laisse penser, la spiruline n’est pas une algue à proprement parler, mais une cyanobactérie de nom scientifique spirulina (Arthrospira platensis), c’est-à-dire une bactérie photosynthétique. Comme les plantes, elle capte la lumière du soleil, prélève de la matière minérale dans son milieu de vie pour produire sa propre matière organique, libérant au passage l’oxygène que nous respirons.
Voici une représentation simplifiée et commentée d’un arbre phylogénétique simplifié montrant la place d’Arthrospira platensis dans le monde vivant.
Lecture de l’arbre :
Le monde vivant se divise en trois domaines :
Bactéries (les cellules ne possédent pas de noyau, l'information génétique est diffuse dans le cytoplasme),
Archées,
Eucaryotes (les cellules possédent toutes un noyau contenant l'information génétique).
Arthrospira platensis appartient au domaine des Bactéries, et plus précisément :
à l’embranchement des Cyanobactéries (anciennement appelées algues bleues),
qui sont des bactéries photosynthétiques capables de produire de l’oxygène
Vue au microscope 🔬, elle se présente sous forme de fins filaments (<1 mm) enroulés en spirale — d’où son nom.
Le cycle de vie de Spirulina
Ces cellules se multiplient par un processus très simple :
Chaque cellule se divise en deux, et cette division se propage tout au long du filament.
Le filament s’allonge progressivement, puis se fragmente naturellement en plusieurs morceaux appelés hormogonies*.
C’est une reproduction végétative, rapide et efficace : une seule cellule peut donner naissance à des millions d’autres en quelques jours dans des conditions favorables.

Des femmes récoltent et font sécher de façon traditionnelle la spiruline dihé dans un filtre à sable
(Photos de Marzio Marzot extraites du rapport de la FAO : L’avenir est un lac ancien, 2004)
Source : https://www.spirulinasource.com/smartfarm/spirulina-farms/spirulina-ladies/
Une richesse nutritionnelle exceptionnelle
Elle contient entre 60 et 70 % de protéines, un taux exceptionnel pour un organisme microscopique ! À cela s’ajoutent une belle diversité de vitamines (B1, B2, B12), des minéraux (fer, magnésium, zinc), des acides gras essentiels, et des pigments antioxydants comme la phycocyanine, responsable de sa couleur bleu-vert.
Cette composition en fait un allié précieux :
pour les sportifs en quête de tonus naturel,
pour les végétariens et végans à la recherche de protéines complètes,
mais aussi pour la lutte contre la malnutrition, notamment dans certains pays du Sud.
Quelques grammes par jour suffisent pour combler des carences importantes. Dans plusieurs régions d’Afrique, des projets humanitaires utilisent la spiruline pour renforcer l’alimentation des enfants en période de disette.
Une alliée de la planète
La spiruline n’est pas seulement bonne pour nous — elle l’est aussi pour la Terre.
Sa culture demande très peu d’eau (dix fois moins que le soja), n’exige ni engrais chimique, ni pesticides, et occupe peu d’espace.
Son rendement en protéines par hectare est sans équivalent. De plus, elle fixe le CO₂ et produit de l’oxygène : une championne de la photosynthèse !
Produite localement, séchée à basse température, elle conserve ses qualités nutritionnelles et organoleptiques tout en limitant l’empreinte carbone liée aux transports.
Attention à la qualité
Comme souvent avec les produits à la mode, toutes les spirulines ne se valent pas.
Celles importées à bas coût peuvent contenir des traces de métaux lourds ou avoir été séchées à haute température, altérant leurs qualités nutritionnelles.
D’où l’importance de favoriser les producteurs locaux qui garantissent une culture artisanale, contrôlée et respectueuse de l’environnement.
En France, de nombreuses fermes à taille humaine se sont développées, parfois même dans des régions inattendues, loin du soleil tropical.
C’est le cas de la ferme du Bouquetot, en Normandie, que j’ai eu la chance de visiter récemment…
Un fil conducteur entre les continents
Ma rencontre avec la spiruline ne date pas d’hier.
Je me souviens d’un voyage humanitaire au Togo, en 2004, où cinq élèves m’accompagnaient avec Michèle Lacheré, responsable de la pastorale dans mon ancien collège pour aider à construire une école dans la banlieue défavorisée de Lomé.
Lors de notre séjour, nous avions programmé 2 journées dans la région d’Agou Nyogbo. Une découverte de la forêt tropicale avec un écoguide, puis la visite d’une petite ferme artisanale de production de spiruline : deux petits bassins, simples, mais animés d’une énergie formidable, au service d’un projet de santé publique et de solidarité.
C’est là que j’ai compris la valeur universelle de cette micro-algue : nourrir, soigner et relier les hommes à la nature.
Aujourd’hui, des années plus tard, j’ai retrouvé cette même philosophie… sous une serre normande, au cœur du Pays d’Auge, où la spiruline se cultive à nouveau, cette fois au rythme du climat océanique tempéré.
Production de spiruline en France et dans le Monde
. En France
Nombre d'entreprises de production : En 2020, on comptait environ 177 entreprises cultivant de la spiruline, marquant une augmentation de 9,9 % par rapport à 2019.
Nombre de producteurs : La Fédération des Spiruliniers de France (FSF), qui représente la filière artisanale et paysanne, comptait plus de 120 membres répartis dans toute la France (chiffre de 2024).
Tendance : La production française est en augmentation, portée par l'arrivée de nouveaux producteurs. On estime que la France est la championne européenne de la production de spiruline.
Il est donc raisonnable d'estimer qu'il y aura plus de 180 à 200 fermes/entreprises de production de spiruline en France en 2025, en tenant compte de la croissance constante de la filière.
👉Voir les producteurs de la FSF sur le site : https://www.spiruliniersdefrance.fr/carte-des-producteurs/
. Dans le monde
Production mondiale : La production mondiale de spiruline était estimée en 2020 entre 3 000 et 20 000 tonnes par an.
Marché : Le marché mondial des microalgues (dont la spiruline) est en forte croissance, avec une taille de marché estimée à 841,30 millions USD en 2025. La spiruline devrait conserver la plus grande part de marché par espèce.
Croissance : Le taux de croissance annuel du marché mondial de la spiruline est projeté à environ 9,85 % (sur la période 2023–2033), ce qui témoigne d'une expansion continue.
Il n'existe pas de chiffre précis sur le nombre de fermes mondiales, mais la production est concentrée autour de la ceinture intertropicale, avec des acteurs majeurs en Asie (Chine, Inde, Thaïlande) et un développement important en Europe (dont la France est leader). La forte croissance du marché suggère une augmentation du nombre de sites de production à l'échelle industrielle et artisanale d'ici 2025.
😉 Petite anecdote en lien avec la spiruline et le séjour scolaire en Espagne du mois dernier :
Un article dans un journal local posé sur une table de la salle d'attente d'un service médical (pour un élève malade) présentait une production de spiruline dans la région de Guadalest où nous devions nous rendre pour découvrir son château...Dommage, trop tard pour préparer une visite écotouristique...

La ferme Aitana Espirulina à Guadalest
Source : https://www.innovaspain.com/aitana-espirulina-la-version-artesanal-y-de-calidad-del-super-alimento-que-es-cultivada-en-una-granja-de-guadalest/
Conclusion
De la chaleur africaine au ciel changeant de Normandie, la spiruline trace un chemin singulier : celui d’un micro-organisme au service du vivant.
Discrète, efficace, profondément écologique, elle nous rappelle que les solutions d’avenir se cachent parfois dans les formes de vie les plus anciennes.
Bientôt, je vous raconterai cette belle rencontre avec les producteurs de la ferme d'Agou au Togo et de la ferme du Bouquetot en Normandie (à 30 mn de Lisieux), où la spiruline pousse avec passion et humilité, dans un projet exemplaire de durabilité et de pédagogie environnementale.
👉Savoir plus sur la FSF : https://www.spiruliniersdefrance.fr/
💡 À venir :
Prochain article : Sous le soleil du Togo, à la rencontre de la spiruline solidaire
Puis : La ferme du Bouquetot : la spiruline made in Normandie
On se lasse de tout, sauf d’apprendre...




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