La ferme à spiruline (3) du Bouquetot : une production locale, durable et innovante


Faisant suite à deux précédents articles sur le sujet de la spiruline, je propose une présentation d'une ferme locale, au cœur de l'Eco-domaine de Bouquetot, à Saint-Pierre-Azif (Calvados).

Je visite ce lieu le 29/10/2025, le matin, et redécouvre un univers à la fois agricole, scientifique et écologique, où l’on cultive une "micro-algue" (on rappelle qu'il s'agit d'une cyanobactérie) aux propriétés nutritionnelles exceptionnelles dans un cadre résolument durable (permaculture), mêlant ruches, potagers, cabanes en bois...

Une immersion dans les coulisses de cette production, du bassin à l’assiette...


La ferme de l'Eco-domaine du Bouquetot


1. Les bassins de culture : un écosystème maîtrisé

Laurent Lecesve, producteur à l'initiative de cette ferme qui date de 2009, est absent ce matin, et c'est Léa, animatrice et étudiante en alternance qui se charge de faire la présentation d'une des deux grandes serres.

Les deux grandes serres qui abritent les cultures de spiruline

La spiruline de la ferme du Bouquetot est cultivée dans de grands bassins peu profonds, soigneusement orientés et abrités sous des serres.

Ces bassins sont conçus pour offrir à la spiruline des conditions optimales de croissance :
  • une profondeur faible pour maximiser l’exposition lumineuse ;
  • une eau en mouvement constant, brassée par des roues à aubes ;
  • une température contrôlée, indispensable pour cette cyanobactérie tropicale.
L'un des deux grands bassins sous serre et sa roue à aube

En 2019, Laurent et son équipe ont agrandi la surface des bassins de 200 à 800 m².

2. Les méthodes de culture : douceur et vigilance

La ferme pratique une culture dite artisanale, inspirée des méthodes traditionnelles mais appuyée sur des contrôles modernes.

Les points clés :
  • Une culture en milieu alcalin, défavorable aux micro-organismes parasites.
  • Un suivi quotidien de la couleur, de la densité et du comportement des filaments.
  • Des ajustements réguliers en eau, minéraux et alcalinité pour maintenir l’équilibre.
  • Une récolte par filtration, qui respecte l’intégrité de la spiruline fraîche.

Léa prélève un peu de spiruline dans le bassin de culture
Léa effectue un contrôle de la qualité des filaments de spiruline au microscope
De nombreux filaments torsadés de spiruline (de taille environ 0,25 mm)
Détail de filaments d'Arthrospira platensis (MO x400)

La saison de production sous serre s’étend d’avril à début novembre, période durant laquelle la température (aux alentours de 25°C) permet une croissance optimale.

3. Puits profonds et économies d’énergie : un circuit fermé ingénieux

L’un des points les plus originaux du site réside dans la présence de puits profonds, reliés aux bassins par une électrovanne. Le système fonctionne en circuit fermé, permettant :
  • d’assurer un apport d’eau sain, stable et naturellement filtré,
  • de réduire la dépendance à l’eau de réseau,
  • d’éviter les variations brusques de qualité ou de température.
Au 1er plan, le puits profond

Le principe en schémas :



. Le jour, la spiruline profite de la lumière en surface pour assurer la photosynthèse et se multiplier.
. La nuit, la spiruline "tombe" lentement dans le fond du puits, ce qui facilitera la récolte le lendemain.
Le bassin (en haut) et le puits profond (en bas) qui accumule la spiruline la nuit.

Le lendemain matin, un système de pompe ramène la spiruline sur la piste (voir l'étape de récolte ci-dessous).


Léa nous présente la piste où est récoltée la spiruline sous forme de pâte

Laurent et son équipe avaient fait le choix, pendant 8 ans, d’un plancher chauffant sous les bassins pour optimiser la température.
Si ce dispositif offrait un confort thermique précis, il s’est révélé trop énergivore et coûteux, ce qui a conduit à repenser entièrement la gestion énergétique du site.

Aujourd’hui, l’exploitation privilégie :
  • l’inertie thermique des serres,
  • les apports solaires naturels (d'avril à septembre),
  • et une gestion fine des remplissages et du pompage des puits.
4. La récolte : un savoir-faire minutieux


La récolte est une étape à la fois technique et délicate. Elle se déroule en plusieurs phases :

  • Filtration : la spiruline est récupérée sur un tamis très fin (30 µm environ).
  • Pressage doux : la biomasse est rassemblée et légèrement égouttée.
  • Extrusion : la fameuse pâte passe à travers une filière, formant des spaghetti verts.
  • Séchage à basse température : une étape cruciale pour préserver vitamines, protéines et pigments.
  • Conditionnement : la spiruline est ensuite réduite en brindilles ou poudre et mise en sachets.
Chaque étape est réalisée manuellement, garantissant une spiruline fraîche, pure et non oxydée.


La boutique ouverte le matin


Les produits disponibles à la vente


La phycocyanine, un pigment bleu de la spiruline, un antioxydant naturel

5. Le label Ecocert : un gage de qualité et de transparence

La ferme du Bouquetot est certifiée Ecocert, un label exigeant qui garantit :
  • une culture respectueuse de l’environnement,
  • l’absence de pesticides et d’OGM,
  • une gestion rigoureuse de l’eau,
  • une traçabilité complète des lots,
  • une production artisanale, non industrialisée.

Cette certification valorise un mode de production responsable, aligné avec les valeurs écologiques du domaine.

6. Conclusion : une spiruline locale, durable et engagée

La ferme du Bouquetot n’est pas un simple lieu de production : c’est un laboratoire vivant d’agriculture durable, où l’on marie innovation, sobriété énergétique et respect du vivant.
Au fil de la visite, on comprend que produire de la spiruline en Normandie relève autant de la passion que du savoir-faire.



👉 En savoir plus sur la ferme de l'Eco-domaine du Bouquetot :


On se lasse de tout, sauf d’apprendre...




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